jeudi 29 septembre 2011

Deux portraits de Jean-Baptiste Boucher

Jean-Baptiste Boucher, fils de Jean-Baptiste et de Marguerite Flamand, était un métis rattaché aux Algonquins Têtes-de-Boule de la Haute-Mauricie. Il a épousé Célina Plamondon, fille de Félix et de Margerite Chartrand, le 22 août 1865 à Saint-Tite dans le comté de Champlain. L'abbé Napoléon Caron a écrit que la femme de Jean-Baptiste était une sauvage, mais j'en doute. Elle était peut-être métisse d'une autre nation. Ça reste à confirmer. Des Abénaquis chassaient sur la rivière Batiscan à cette époque.

Ils ont habité une maison sur le bord du Saint-Maurice, à l'embouchure de la rivière Croche, au nord de La Tuque. Ils cultivaient la terre selon l'abbé Caron. Jean-Baptiste Boucher faisait aussi la chasse et la trappe et vendait ses fourrures aux Trois-Rivières. Il était connu parce que sa maison se trouvait sur la route des voyageurs qui remontaient ou descendaient le Saint-Maurice. J'ai trouvé une quinzaine d'actes les concernant dans les registres des paroisses de Saint-Tite, Sainte-Flore et Grande-Anse, notamment des baptêmes d'enfants nés sur la rivière Croche.

On trouve deux témoignages contradictoires sur Jean-Baptiste Boucher : le premier, en 1872, le présente comme un scélérat et le second, en 1887, comme un bon chrétien. Lequel croire ?

Le scélérat

Un article du journal Le Constitutionnel de Trois-Rivières du 22 janvier 1872 nous trace un portait très négatif de Jean-Baptiste Boucher :
"Un sauvage Tête-de-Boule du nom de Boucher, résidant à l'embouchure de la Rivière Croche, dans le haut du St-Maurice, a été arrêté en cette ville, samedi, au moment où il était à vendre des pelleteries chez M. Lesieur, rue Notre Dame. La cause de cette arrestation mérite d'être connue. Si les faits sont tels que les raconte la rumeur publique, cet homme serait d'une cruauté et d'une scélératesse inouïe.

Un jeune homme et une jeune fille restent avec Boucher. Ce sont les enfants d'un de ses beaux-frères nommé Plamondon, mort depuis quelques années. Boucher était parti, il y a quelques temps, avec son neveu pour aller trancher le castor, c'est- à dire pour aller prendre le castor sous la glace sur les lacs. Boucher revint seul à la maison, il y a quelques jours. M. Vassal, qui descendait du St. Maurice, trouva le jeune Plamondon sur le chemin, presque mort de froid et de faim. Il le ramassa, le mit dans sa voiture et le ramena chez son oncle. Le jeune homme raconta que Boucher, prétextant qu'il manquait de vivres, avait refusé de lui donner à manger, et que à mesure qu'il affaiblissait, son oncle le battait pour le faire marcher. A la fin, ne pouvant plus se tenir sur ses jambes, il tomba de lassitude sur le bord de la route. Lorsque Boucher vit que son neveu ne pouvait plus bouger il lui jeta une hache et s'en vint à sa maison. Il était alors à neuf milles de sa demeure. En se rendant chez Boucher, M. Vassal rencontra en route la soeur du jeune homme qu'il avait dans sa voiture. Elle pleurait et lui dit qu'elle allait à la recherche de son frère, Il la ramena avec lui. Arrivé chez Boucher le jeune Plamondon était tellement gelé que les pieds lui tombèrent et qu'enfin il mourut deux jours après. On dit que même durant ces deux jours la conduite de Boucher a été suspecte, qu'il tenait à éloigner les étrangers de la maison et qu'il a lui même enterré son neveu, sans l'aide de personne. Il paraitrait que Plamondon porte sur son corps les marques de mauvais traitements graves. On ajoute que Boucher aurait eu la tentation de ravir l'héritage de son neveu.

Dès que ces faits furent connus à Trois- Rivières, le chef de police de notre ville a télégraphié au coroner de Québec, car la Croche se trouve dans le district de Québec. Le coroner de Québec n'a pas voulu s'occuper de l'affaire.

C'est sous ces circonstances que Boucher, étant venu vendre ses pelleteries en ville, a été arrêté par le constable Fearon. On ajoute qu'au moment où il a abandonné son neveu, Boucher avait encore la viande de deux castors.

Il est probable que cette affaire va donner lieu à une poursuite criminelle fort difficile et que les tribunaux de Québec auront à faire venir plusieurs des témoins de la Tuque et de la Croche."
Il y a au moins une invraisemblance dans cet article du Constitutionnel qui cite « la rumeur publique » : on ne peut pas enterrer quelqu'un au mois de janvier, sans parler des pieds gelés qui tombent.


Le bon chrétien

Selon le récit de ses voyages sur le Saint-Maurice publié en 1888, l'abbé Napoléon Caron s'est arrêté chez Boucher en août 1887, soit quinze ans après la mort du neveu Plamondon. Voici ce qu'il en dit :

"A l'endroit où la rivière Croche se jette dans le Saint-Maurice, il y a deux magnifiques fermes ; celle qui est du côté de la Tuque appartient à M. Alex Baptiste et a été louée à M. B Hall. Celle qui est du côté nord appartient à M. Jean-Baptiste Boucher, ci-devant chef des Sauvages de Montachingue.

Ce monsieur est un métis intelligent et bon chrétien ; par ses ancêtres français, il est de la même famille que le seigneur Boucher de Maskinongé. Il a épousé une sauvage, et il garde un goût prononcé pour la chasse ; mais il est cultivateur par raison. Il a une jolie maison, extérieurement lambrissée en déclin. Quant à la terre qu'il possède, il nous semble qu'un homme qui a une propriété comme celle-là est déjà arrivé à la richesse.

Madame Boucher a plusieurs enfants et nous avons vu le plus jeune sur un de ces berceaux dont nous avons déjà donné la description. Elle a tous les traits du type sauvage, parle bon français mais paraît vouloir toujours laisser la parole à son mari."
L'abbé Caron a ajouté dans la marge que Jean-Baptiste Boucher n'est plus chef et que c'est son frère Sévère qui l'a remplacé.


Le même Boucher ?

Était-ce bien le même Boucher ?  Plusieurs détails le confirment : son appartenance aux Têtes-de-Boule, la maison à l'embouchure de la Croche, un beau-frère Plamondon.

J'ai trouvé l'article du Constitutionnel et plusieurs autres informations sur le Forum Autochtone de Planète Généalogie, qui est animé par le généalogiste Serge Goudreau. C'est un site à visiter pour ceux qui s'intéressent à la généalogie et à la petite histoire des Amérindiens.

Voir aussi :

- CARON, Napoléon. Deux voyages sur le Saint-Maurice,  Éditions du Septentrion.
- GÉLINAS, Claude. La Gestion de l'étranger : Les Atikamekw et la présence eurocanadienne en Haute-Mauricie 1760-1870,  Éditions du Septentrion, 2000, 379 pages.

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